terça-feira, 13 de abril de 2010

Pierrick Sorin

Site oficial de Pierrick Sorin:
http://www.pierricksorin.com/index.htm

Vidéo comentado em sala de aula:

(infelizmente, nao encontrado na internet...)


Texto sobre a performance:
http://espace-holbein.over-blog.org/article-20563616.html

Il s'agit de la réalisation d'un film vidéo qui, sous la forme d'un documentaire très classique, présente un ensemble d'œuvres monumentales implantées dans la ville. Une demi-douzaine d'artistes européens (sept exactement : un Britannique, une Hongroise, un Portugais, un Espagnol, une Allemande, un Grec et un natif de Nantes, tous interprétés par Pierrick Sorin) commentent, sur le terrain, leurs créations les plus folles. Inutile de dire que ces projets sont de pures fictions, n'ont aucune existence réelle (enfin, pour le moment...) et semblent, pour la plupart d'entre eux, parfaitement irréalisables.


           


Ce film est une parodie des documentaires à vocation "culturelle" que l'on peut -ou que l'on a pu voir à une certaine époque- sur des chaînes de télévision comme Arte ou la Sept. La forme emprunte aux codes de ce type d'émission destinée à un public choisi. L'ambiance et le cadre sont gentiment extravertis, mais toujours avec mesure.
Pierrick Sorin, tel un Zelig des arts plastiques, provoque le rire en incarnant des types d'artistes que l'on a forcément croisés un jour ou l'autre et dans lesquels nous retrouvons tous les défauts spécifiques à la profession.







 Le découpage de ce film s'appuie sur l'observation que fait Pierrick Sorin de véritables documentaires d'actualités culturelles. Ce faux documentaire débute par un générique qui par sa forme et le ton adopté va d'emblée camper l'état d'esprit de ce reportage : l'émission s'appelle FOLIES (1) et cette prétendue "folie" est immédiatement desservie et contredite  par l'aspect morphing mou de la police de caractère utilisée pour l'affichage du titre et surtout par l'immonde fond jaune-orangé ou jaune-verdâtre qui s'anime en lents mouvements perpétuels et qui évoque ces lampes d'ambiance mauvais goût des années 70 dont on retrouvera un vestige dans l'une des œuvres montrées plus tard dans le film. Un présentateur soigné aux gestes maniérés (col roulé, petites lunettes ovales et  léger accent britannique) dresse le programme de l'émission en n'omettant pas de signaler l'audace et le dynamisme de la ville de Nantes qui a commandé pour ses espaces publics des œuvres «spectaculaires et monumentales», («Ce soir nous n'allons pas très loin, nous allons à Nantes où il se passe des choses très surpre-nantes...». Volonté de marquer des valeurs d'ouverture à la fois aux idées, à l'internationalisme, à l'appropriation d'une certaine modernité incarnée par l'art contemporain et au sein de cet art contemporain l'avant-garde représentée par les "nouvelles technologies", ou plutôt par ce qu'il nomme «des technologies très novatrices». Première apparition de Pierrick Sorin, dans le rôle du journaliste qui présente l'émission (2) et que l'on retrouvera à la fin du reportage à l'instar de toute bonne émission télévisée de ce type.







7 8 9 10 11 12
Vont s'enchaîner la description et l'explication, par chacun des artistes (cinq hommes et deux femmes, tous interprétés par Sorin lui-même), des sept œuvres sélectionnées pour figurer dans ces espaces publics. Pierrick Sorin est évidemment déguisé, le visage maquillé, excepté lorsqu'il joue son propre rôle (6) ; il est en possession de certains attributs (ordinateur portable, appareil-photo, caméra, mais aussi bloc-notes, pots de peintures, etc.) ; chaque attitude est façonnée en fonction du personnage incarné : l'artiste portugais (9) est exalté, l'artiste anglais (7) est un peu intello, prétentieux, comme l'espagnol (10) qui se double de la figure du mélancolique ; l'artiste hongroise (8), elle,  est vaguement inhibée, la photographe allemande (11) est d'une sensibilité excessive, quant à l'artiste grec (12), il s'agit carrément d'un mégalomane animé par les goûts les plus kitschs...). Le dernier (Pierrick Sorin, le natif de Nantes, 6) donne l'impression d'être un gentil pervers !
Sorin est filmé en play-back et une voix s'exprimant  dans la langue de l'artiste (parfois en anglais) est rajoutée comme s'il communiquait directement, face à la caméra. Et comme dans les reportages télévisés habituels, nous pouvons profiter d'une voix-off qui nous traduit simultanément les propos en français.
e présentateur a annoncé les projets «les plus fous», des projets qui se caractérisent essentiellement par leur côté «spectaculaire et monumental», l'objectif étant de «bouleverser le paysage urbain». Et en effet, nous assistons à la présentation d'œuvres délirantes mais dont l'intérêt est soigneusement justifié, soit par l'artiste lui-même, soit par le commentaire en voix-off, tant sur les plans artistique, économique, scientifique, culturel, topographique, social, relationnel que sur celui de l'affectif ou encore de la sécurité des citoyens.
Les œuvres

-Des agrandissements holographiques de Nantais, courant pour attraper leur tram à l'heure de pointe,  seront proposés par l'artiste anglais, Ricky Pierson  (13)
-Une énorme goutte d'eau en suspension au dessus de la ville (14) sera réalisée par l'artiste hongroise, adepte de «l'anti-forme», et
pour réaliser cette œuvre extraordinaire, elle travaillera en collaboration avec les unités scientifiques les plus pointues du moment. 
-Sirki Pinheiro
, l'artiste portugais exalté, se servira de la façade de la faculté de médecine de la ville de Nantes comme d'un écran géant où seront projetées des images d'opérations chirurgicales filmées en direct (15) mais retravaillée par ses soins de «manière organique».
-Le ténébreux artiste espagnol «handicapé dès l'enfance» (mais qui travaille depuis vingt ans sur le thème du «corps en mouvement») fera danser les habitants sur le rebord du toit de l'opéra de la ville, sous forme d'hologrammes (16).
-La délicate Krips  Roniker, d'origine allemande, fera apparaître dans le ciel un immense arc-en-ciel à l'échelle du paysage qui ne se manifestera pleinement que lorsque l'humeur des habitants sera réellement positive (17).
-Un autre projet titanesque est confié à un artiste grec, Eros Spinaki, qui imaginera d'occuper un mini gratte-ciel au centre de Nantes en le transformant en une «lampe-aquarium» géante qui va s'animer de l'intérieur de mouvements gluants et colorés à l'image de ces lampes d'ambiance décoratives des années 70.  Il évoquera, à son sujet, un «hommage à l'apparition de la vie» et en fera le symbole de «l'identité visuelle de la ville» (18).
Et enfin, la dernière œuvre  (ci-contre), c'est celle de Pierrik Sorin et il va en expliquer  le fonctionnement : l'œuvre devra être perçue de nuit par des gens qui sont en mouvement dans le tramway ; des mannequins alignés, légèrement différents l'un de l'autre, créeront l'illusion (à la manière du cinéma d'animation) d'une métamorphose d'un homme en femme ou de l'inverse.






Ce reportage se terminera avec la réapparition du gentil présentateur donnant un avant-goût de l'émission diffusée la semaine suivante et qui aura pour thème «le plus grand défilé de mode de tous les temps» : 2000 mannequins défileront en pleine forêt canadienne, une «manière originale, dit-il, de marquer le passage au 3ème millénaire»...
Mais avant cette évocation de la prochaine Folie, nous aurons eu droit à un commentaire en voix-off évoquant le versant économique de l'opération "Nantes, projets d'artistes", ainsi que la polémique qui ne manquera pas d'éclater au sujet de cette commande publique d'envergure reposant sur «des arguments artistiques peu convaincants».
Pierrick Sorin, en bouclant son documentaire sur cette remarque violemment autocritique (des «arguments artistiques peu convaincants») tente de désamorcer toute critique en anticipant sur les questions qui fâchent. Mais il s’expose également et prend des risques sachant que tous les artistes qu’il incarne intègrent des traits qu’il a potentiellement repérés chez lui et qu’il veut mettre à distance. La solution qui consiste à utiliser la figure du bouffon ou du clown se révèle efficace car elle sert à la fois à exorciser des défauts constitutifs à cette catégorie particulière que sont les artistes et à questionner, sans emphase, la pratique artistique.
Jean Starobinski dans son ouvrage Portrait de l’artiste en saltimbanque (que j'avais évoqué dans un texte précédent) écrit : «L’on s’aperçoit en effet que le choix de l’image du clown n’est pas seulement l’élection d’un motif pictural ou poétique, mais une façon détournée et parodique de poser la question de l’art.»*
Cette œuvre, Nantes, projets d’artistes (qui date de 2000),  porte un coup sérieux à la crédibilité de l’art contemporain. Il faut avoir en mémoire le débat virulent  et les attaques contre les pratiques contemporaines qui se sont développées durant toute la décennie qui précède et qui ont largement dépassé le milieu des professionnels ou des galeristes.
Dans cette pièce on rencontre à la fois des artistes ridicules, mégalomanes, délirants, obsédés, imbus d’eux-mêmes, prétentieux, faussement intelligents, des artistes aux goûts douteux ou carrément repoussants, mais on y repère aussi certaines dérives d’un art contemporain qui impose à l’ensemble de la population des goûts et des pratiques qu’elle ne partage ou ne comprend pas.
Dans un livre qu’il a publié sur l’artiste, Pierre Giquel rappelle que «Sorin n’a jamais caché sa réticence à l’égard du monde de l’art contemporain. Jugée par lui «élitiste», relevant parfois de la supercherie (la fin des années quatre-vingt voit surgir la revendication du «n’importe quoi» et cela coîncide étrangement avec les débats franco-français qui sévirent pendant quelques années), l’œuvre d’art le rend perplexe. Mais plus encore, le sérieux, la certitude d’un milieu qui le légitime, la prétention à une vérité deviennent les lieux d’une moquerie acerbe que tout aussi bien il s’inflige à lui-même». **
Mais cette relation à l'art en général, et à l'art contemporain en particulier, est très généreusement ambivalente chez Pierrick Sorin.
On aura noté les références et les relations constantes au tableau ("La Belle Peinture est derrière nous ", voir
ici), ou aux formes et aux catégories  du tableau (le triptyque dans "La Bataille  des tartes"), à la sculpture (l'épisode de la cage de foot «qui ressemble à une sculpture d'art contemporain» dans "Pierrick et Jean-Loup", voir ), à la photographie ou au clip vidéo (encore "Pierrick et Jean-Loup"), etc.  Pierre Giquel dans le même ouvrage écrit : «(…)un mouvement contradictoire anime assurément cette œuvre qui se déchire entre l’amour et la dénégation. La construction des films, le traitement de l’image, l’installation des éléments dans l’espace entretiennent une relation subtile avec ce que l’on appelle une œuvre d’art. Même lorsqu’il fustige les prétentions à faire œuvre.»***

Et si Pierrick Sorin -par amour-  avait  réellement nourri l'intention de réaliser une des œuvres présentées dans Nantes, projets d'artistes ? La question peut sembler saugrenue mais, considérant  ce rôle du clown qu'il a endossé dans un premier temps en parodiant des types d'artistes ayant réellement existé, ces travaux  ne pourraient-ils pas constituer  une série d'esquisses revêtant une esthétique du dérisoire ou du non-sens de la seconde moitié du XXème siècle -et ceci par dénégation- ?...
L'œuvre serait donc à venir.

En évoquant son temps, Jean Starobinski posait cette question :«L'art de notre siècle aurait-il partie liée avec la dérision ?»****

         
   
  

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